sandrine mariette

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Daeninckx par Daeninckx

Illustration de Tardi.

L’année dernière, Didier Daeninckx livrait dans « La Mémoire longue », ses souvenirs, ses reportages, ses notes de lecture, vingt ans de sa vie (1986-2008). En 2010, il n’hésite pas pour le titre « Daeninckx par Daeninckx », moins rigide qu’une autobiographie, l’auteur livre une accumulation de toutes les dérives sociales, littéraires, mondiales que l’on vont nous faire avaler les yeux bandés. Deux livres incontournables pour approcher le vrai Daeninckx. Et se marrer des débilités à tous les étages.

« Chaque année à travers le monde, quarante mille œuvres d’art disparaissent des musées, des collections privées, des lieux de culte. » Pour imaginer un tel nombre de tableaux en cavale, retenez Monet is money et vous basculerez de l’impressionnisme au réalisme. Car l’auteur fait son miel de ces événements occultés, pour le plus grand plaisir du lecteur qui s’interroge sur ces escrocs de la culture publique, deuxième au hit-parade des gros trafiquants, après ceux de la drogue. Le truc à Daeninckx depuis « Meurtres pour mémoire » : remonter dans le temps pour y révéler plus qu’un crime, une honte collective. Et pour ses aficionados, « La Mémoire longue » offre une centaine de tragédies et de comédies contemporaines, dénichées tout en clairvoyance, avant d’être décapées par une plume caustique, qui ne s’effraie pas du burlesque de la situation. Choisissant toujours soigneusement ses sujets – certains deviendront le terreau de futur roman –, Daeninckx a recueilli, pendant vingt-deux ans, chroniques (« Les Renseignements généraux contre Coluche »), histoires vécues (« La Rencontre clandestine avec Jean-Patrick Manchette »), témoignages (« S21, l’école du crime des Khmers rouge »… et conclut : « Je suis là pour fictionner et frictionner l’histoire ». Sans crainte d’être lui-même caricaturé. Dans un dessin de Babouze, lors d’une signature, l‘écrivain Fajardie lui dit : « En 68, on lançait les pavés, Daeninckx lui sourit « … maintenant, on les écrit ! » « La Mémoire longue » en est un, mordant, contre l’oubli, son pire ennemi.

Sandrine Mariette

« La Mémoire longue », de Didier Daeninckx (Le Cherche Midi, 466 p.).« Daeninckx par Daeninckx », de Thierry Maricourt, Le Cherche Midi, 293 p.).

Posted in Littérature générale by Sandrine Mariette on janvier 30th, 2010 at 15:54.

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