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« Mes bifurcations », d’André Brinks

« Mes bifurcations », d’André Brinks, est le témoignage d’une vie soucieuse du présent et de l’avenir de l’Afrique du Sud. D’une sincérité rare, il est unique pour appréhender les contradictions fatales à ce pays.

Mémoires d'André Brinks

Depuis quarante ans, André Brinks trempe sa plume pour dénoncer le sang versé et les massacres répétés depuis trois siècles, en Afrique de Sud. A 74 ans, l’écrivain confie ses « Bifurcations » (sous-titré « Mémoires »), sans lien formel avec une autobiographie chronologiquement classique. Il a penché pour les chemins de brousse, bousculant les souvenirs, qu’il a montés comme au cinéma, renforçant le dynamisme de son écriture pour évoquer sa jeunesse – éclairée par un carnet photos –, ses amours, ses voyages, ses rencontres, ses maîtres à penser, parmi lesquels Camus qu’il « adore ». Brinks joue franc-jeu, c’est le nerf de ses « Bifurcations ». Avant de devenir l’écrivain-militant, horrifié par le barbarisme qui saigne sa terre natale… l’apartheid lui semblait « une situation sociale normale ». Né en 1935 dans une famille d’afrikaners nationalistes, « j’étais persuadé qu’un homme noir dormait sous mon lit, il était armé d’un long couteau bien aiguisé, il était souvent, juste sur le point de fondre sur nous. Il allait nous débiter en morceaux et nous dévorer. » Heureusement, l’éloignement ouvre des perspectives. En 1960, Brinks poursuit ses études à Paris, quand est retransmise une manifestation au Cap, où la police sud-africaine tue soixante Noirs. « C’était la première fois de ma vie que j’ai compris l’essence de l’apartheid. » En voilà une sacrée « bifurcation » ; à l’âge de 24 ans, il pose un regard lucide sur son pays. Un écrivain sud-africain est né, il rédige toujours en afrikaans, avant de traduire ses textes en anglais. « Nelson Mandela a voulu dire quand il m’a déclaré : Tu es un Africain. Il n’existe aucune société au monde qui ne soit confrontée à des défis, à des problèmes, à des troubles, au danger – mais l’urgence, l’immédiateté inhérentes à la vie en Afrique du Sud lui confèrent un sens de l’engagement, de la pertinence et de la portée des choses qui sont, selon moi, inconcevables dans d’autres pays. » André Brinks mérite tous les honneurs pour avoir sans cesse tenté de trouver la formule à ce poison à cette violence . Ses « Bifurcations » bouleversent par sa sincérité sur les choix dans l’existence et brossent une fresque humaine sans concessions sur un Etat que l’on ne connaît finalement pas ou peu. A lire absolument.

Sandrine Mariette

« Mes bifurcations », d’André Brinks, traduit de l’anglais (Afrique du Sud) par Bernard Turle (Actes Sud, 530 pages).

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Posted in Littérature générale by Sandrine Mariette on juillet 4th, 2010 at 13:48.

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