sandrine mariette

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« Le Troisième Acte » de Glenn Patterson

Glenn Patterson signe avec « Le Troisième Acte », son septième roman, mais c’est le premier traduit en français, un épilogue crépusculaire de son « Lost in Translation ». Né à Belfast, Glenn Patterson, conteur des âmes perdues au Japon, suit le destin en chute libre d’un homme pris dans les filets de Hiroshima.

« Lost in Translation », traduit par la caméra de Sofia Coppola, révélait un Tokyo chic et toc de grands hôtels et bars karaokés. Cette fois, la vue de sa chambre dévoile au narrateur irlandais, représentant d’une entreprise d’emballage en PCV, une vue imprenable sur Hiroshima. Et une vision, celle d’un aigle, ombre néfaste. Le commercial en voyage d’affaires, censé vanter les mérites du U-bag, révolutionnaire successeur du film étirable, a achevé sa tournée. Le temps est suspendu avant l’avion du lendemain qui le ramènera à sa vie, sa femme, ses enfants. Plus rien à faire, sauf quelques emplettes. Sauf se coltiner un compatriote, écrivain, non moins éthylique que Bill Murray, venu participer à un colloque « Ecrire pour sortir du conflit. » L’étrange ébauche d’amitié agressive, sorte d’incongruité sociale, liant un romancier à un commercial ayant pour livre de chevet le Guide du commerce et de l’étiquetage, est un prétexte littéraire. « J’espère que vous trouverez ce que vous cherchez » augure l’écrivain. Hiroshima, ville de la Catastrophe, où les montres se sont arrêtées et l’espace-temps prend de curieux détours, les errances entre hôtel, centres commerciaux, restaurants, bars, autoroutes, université et montagnes mènent à la question essentielle « Qu’avais-je fait ? Pas fait, pas dit ». Au musée de la bombe atomique, devant « L’Holocauste », un tableau Hirayama, devant les reliques terrifiantes, devant le regard d’une inconnue, le destin se joue. Glenn Patterson dans son « Troisième Acte » pétrit la ville à ses ambitions, manie l’ironie avec habilité dans un texte à la puissance inégale mais qui va crescendo. Le lecteur y trouvera peut-être ce qu’il y cherche.

Valérie Labrousse

« Le Troisième Acte », de Glenn Patterson, traduit de l’anglais par Céline Schwaller (Actes Sud).

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