sandrine mariette

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Les belles Saisons de Blexbolex

Saisons

Après son « Imagier des gens » (Albin Michel), couronné du Prix du plus beau livre du monde à la Foire du livre de Leipzig, en 2009, Blexbolex présente un nouveau livre « Saisons » qui le démarque du flux de dessinateurs, illustrateurs, graphistes, c’est un artiste.

Nom Bien sûr inventé. Enfant, il a inventé avec un ami  un dictionnaire d’environ 200 mots, et Blexbolex en faisait partie.

Enfance graphite Né en 1966 à Douai, Blexbolex grandit en Auvergne. Dès qu’il sait tenir un crayon, son père, passionné par le dessin, lui communique son goût des belles images, des livres bien illustrés, les beaux-arts à la maison.

BD Blexbolex croque la vie sur des pages, et commence à s’intéresser à la BD qui, début des années 80, acquiert ses titres de noblesse. Il connaît ses classiques sur le bout de la mine, Tintin, Astérix, avec un faible pour Corto Maltese.

Angoulême 85 La ville qui ne fait bondir que les auteurs ou amateurs de BD. Blexbolex part pour l’école des Baux-Arts. Ennui. Puis, une année de théâtre.

Berlin Service militaire. Là, c’est une plongée dans une ville extraordinaire, où il enchaîne les concerts, et des sensations. « On sentait qu’il allait se passer quelque chose, mais jamais on aurait pensé son écrasement. » Deux mois après la fin de son service, le mur tombe. « Des terrains vagues au cœur de la ville, Berlin m’a donné une très forte impression de liberté. » Blexbolex vit actuellement à Leipzig.

Angoulême 90 Retour à l’école des Beaux-Arts. « Là, j’étais décidé coûte que coûte. J’ai appris les techniques d’impression et l’eau forte. » L’eau forte permet une rapidité d’exécution par rapport au burin et, surtout, le procédé n’est pas mécanique, mais chimique, ce que l’on retrouve dans le travail actuel de Blexbolex, et le geste rapproche cette technique à celle du dessin, qu’il n’a jamais cessé de pratiquer. Il en sort honoré par un super diplôme en sérigraphie et un nouvel enthousiasme pour la peinture.

Premier livre « C’est en 1992, que j’ai créé mon premier livre. Je l’ai auto-produit dans un circuit underground. Des dessins jusqu’à la reliure, mon dessein s’exprimait : produire un objet livre. Sans titre, mais trois croix, du style xxx. Tiré à 50 exemplaires et imprimé en sérigraphie, bien placé à la fameuse librairie, Un Regard moderne (14, rue Gît-le-Cœur, Paris-6e), mon premier livre s’est vendu en un mois. Il coûtait, tout de même, 80 francs. »

Premier succès « L’Imagier des gens » (Albin Michel). « J’ai réalisé cet album grâce à Brigitte Morel qui fréquentait aussi la librairie Un Regard moderne et avait repéré ma production graphique. » Dès ce livre, Blexbolex imprime son univers, il offre à la littérature jeunesse, une nouvelle vision du monde. Réaliser un imagier avec des gens en montgolfière, à vélo… pourquoi pas mais, avec un plus : une répétition chromatique, un rose aussi spécial que le bleu de Klein, qui joue avec la lumière, secoue les formes, impose une palette étrange, des découpes bizarres, le tout sur un papier fond blanc. Ça marche, ça parle aux enfants et ça fait jaser les adultes.

Côté technique Un ordinateur, une palette graphique et un scan lui suffisent. C’est avant et après que Blexbolex se démarque. Chez lui, pas de croquis ni d’ébauches, mais une puissance de cadrage et une précision du geste qu’il a retenues de ses années passées à l’imprimerie. Etre à même de travailler sur le film pour un résultat propre. Une vraie discipline.

« Saisons » Blexbolex laisse mûrir son sujet. Généralement, il improvise. « C’est une idée qui libère une impulsion au livre, les éléments viennent à moi au fur et à mesure. » Dans « Saisons », il joue avec la temporalité, le temps au fil des saisons. L’avant : Un rose assez fort (le sien), un bleu et un jaune d’or. Pas de dominante. L’après : tenter de se rapprocher des couleurs quadri de l’imprimerie, pour donner une ambiance de saisons. « C’est le mélange de la technique graphique au choix du dessin. » Mais Blexbolex ne s’arrête pas à nous offrir de superbes images, exprimant une fraise à dévorer ou un parasol le temps de l’été ; une piscine ou une rencontre au cœur du printemps ; il y a aussi une solitude, une sieste, un retard, des mots oubliés dans les livres illustrés. Le temps, c’est la vie et, même en rose, parfois une tristesse impressionne la page. Là, « Saisons » propulse une intelligence émotionnelle rare.

Mais il y a plus Le jeu, l’interactivité avec son spectateur. On ne tourne pas la page, et hop, une autre image, non. Dans la vie, c’est impossible, la mémoire nous rattrape au galop, dans le livre aussi. Tout est lié. Un personnage peut égarer sa serviette de bain que l’on retrouve quelques pages plus loin, quelques jours plus tard, lorsqu’il la cherche, c’est Un Oubli. Une kyrielle de trouvailles alimentent « Saisons », un petit chef-d’œuvre où les suites narratives, toujours drôles, rendent grâce à l’omniprésence de l’espace et du temps. « C’est une collection d’images, dit humblement Blexbolex, un outil de découverte pour l’enfant, pour lui montrer plusieurs choses. » Bien sûr, c’est mille fois plus, une intention et un propos qui lui sont offerts et tenus jusqu’au bout, lui laissant toute la place nécessaire pour l’apprécier, et le temps pour l’appréhender. Un très beau livre qui hisse la littérature jeunesse haut, très haut.

« Saisons », de Blexbolex (Albin Michel jeunesse).

« L’Imagier des gens », de Blexbolex (Albin Michel jeunesse).

Blexbolex sera présent aux rencontres :  « La BD à Bastia » (il a fait l’affiche), du 8 au 11 avril 2010, avec Elzbieta, Joëlle Jolivet, Nine Antico, Mathieu Sapin, Charles Berberian… et d’autres grands.

Sandrine Mariette

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« Feuille de chou (Journal d’un tournage) », de Mathieu Sapin

Par Mathieu Sapin

Pour ceux qui ont apprécié ou non le film de Joann Sfar avec pour sujet Serge Gainsbourg, « Gainsbourg (Vie héroïque) », il existe un making of original et dessiné du tournage. Pendant quatre mois, Mathieu Sapin, Mathsap pour les intimes (et personnage présent au fil des pages de son « Journal d’un tournage »), auteur-dessinateur de BD pour les néophytes, s’est faufilé partout, derrière la caméra. Les oreilles en alerte, les yeux ouverts en grand angle, Mathieu Sapin a réalisé un travail de titan sur 358 pages. Son trait diffuse une intelligence émotionnelle du premier dessin au dernier. La mise en pages défie la linéarité attendue, offre un tas d’astuces pour ne jamais écourter la réalisation graphique de son propos, la couleur harmonise le tout. Ce carnet de bord en apprend, entre autres, beaucoup sur les métaphores du film, les personnages, les effets spéciaux… Par exemple : comment Eric Elmosnino, l’acteur qui interprète Serge Gainsbourg, se fait refaire la face, plutôt le pif, une prothèse qui nécessite une demi-heure pour être fixée ? Comment La « Gueule », interprétée par avec sa silhouette de « Nosferatu » – copie parfaite de celui du film éponyme de Dreyer –, le démon intérieur qui cause avec Gainsbourg, voit par la bouche et fume par un système de tuyautage flippant ? Le mieux consiste à cesser de vous prodiguer des louanges de « Feuille de chou (Journal d’un tournage », making of remarquable. A vous de dévorer les feuilles.

Sandrine Mariette

« Feuille de chou (Journal d’un tournage) », de Mathieu Sapin (Shampooing/Delcourt).

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