sandrine mariette

~ Factory

Patti Smith. Tribute to Kurt Cobain

*Video:tribute

La thématique Patti Smith sera approfondie tout au fil du blog, comme tous les artistes. Le premier article était une présentation (il y a du nouveau).

A plus S.M.F.

Merci à la personne qui regarde tous les jours S.M.F., mais oublie de me dire les incohérences, je ne peux dévoiler son nom, c’est une star.

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Les belles Saisons de Blexbolex

Saisons

Après son « Imagier des gens » (Albin Michel), couronné du Prix du plus beau livre du monde à la Foire du livre de Leipzig, en 2009, Blexbolex présente un nouveau livre « Saisons » qui le démarque du flux de dessinateurs, illustrateurs, graphistes, c’est un artiste.

Nom Bien sûr inventé. Enfant, il a inventé avec un ami  un dictionnaire d’environ 200 mots, et Blexbolex en faisait partie.

Enfance graphite Né en 1966 à Douai, Blexbolex grandit en Auvergne. Dès qu’il sait tenir un crayon, son père, passionné par le dessin, lui communique son goût des belles images, des livres bien illustrés, les beaux-arts à la maison.

BD Blexbolex croque la vie sur des pages, et commence à s’intéresser à la BD qui, début des années 80, acquiert ses titres de noblesse. Il connaît ses classiques sur le bout de la mine, Tintin, Astérix, avec un faible pour Corto Maltese.

Angoulême 85 La ville qui ne fait bondir que les auteurs ou amateurs de BD. Blexbolex part pour l’école des Baux-Arts. Ennui. Puis, une année de théâtre.

Berlin Service militaire. Là, c’est une plongée dans une ville extraordinaire, où il enchaîne les concerts, et des sensations. « On sentait qu’il allait se passer quelque chose, mais jamais on aurait pensé son écrasement. » Deux mois après la fin de son service, le mur tombe. « Des terrains vagues au cœur de la ville, Berlin m’a donné une très forte impression de liberté. » Blexbolex vit actuellement à Leipzig.

Angoulême 90 Retour à l’école des Beaux-Arts. « Là, j’étais décidé coûte que coûte. J’ai appris les techniques d’impression et l’eau forte. » L’eau forte permet une rapidité d’exécution par rapport au burin et, surtout, le procédé n’est pas mécanique, mais chimique, ce que l’on retrouve dans le travail actuel de Blexbolex, et le geste rapproche cette technique à celle du dessin, qu’il n’a jamais cessé de pratiquer. Il en sort honoré par un super diplôme en sérigraphie et un nouvel enthousiasme pour la peinture.

Premier livre « C’est en 1992, que j’ai créé mon premier livre. Je l’ai auto-produit dans un circuit underground. Des dessins jusqu’à la reliure, mon dessein s’exprimait : produire un objet livre. Sans titre, mais trois croix, du style xxx. Tiré à 50 exemplaires et imprimé en sérigraphie, bien placé à la fameuse librairie, Un Regard moderne (14, rue Gît-le-Cœur, Paris-6e), mon premier livre s’est vendu en un mois. Il coûtait, tout de même, 80 francs. »

Premier succès « L’Imagier des gens » (Albin Michel). « J’ai réalisé cet album grâce à Brigitte Morel qui fréquentait aussi la librairie Un Regard moderne et avait repéré ma production graphique. » Dès ce livre, Blexbolex imprime son univers, il offre à la littérature jeunesse, une nouvelle vision du monde. Réaliser un imagier avec des gens en montgolfière, à vélo… pourquoi pas mais, avec un plus : une répétition chromatique, un rose aussi spécial que le bleu de Klein, qui joue avec la lumière, secoue les formes, impose une palette étrange, des découpes bizarres, le tout sur un papier fond blanc. Ça marche, ça parle aux enfants et ça fait jaser les adultes.

Côté technique Un ordinateur, une palette graphique et un scan lui suffisent. C’est avant et après que Blexbolex se démarque. Chez lui, pas de croquis ni d’ébauches, mais une puissance de cadrage et une précision du geste qu’il a retenues de ses années passées à l’imprimerie. Etre à même de travailler sur le film pour un résultat propre. Une vraie discipline.

« Saisons » Blexbolex laisse mûrir son sujet. Généralement, il improvise. « C’est une idée qui libère une impulsion au livre, les éléments viennent à moi au fur et à mesure. » Dans « Saisons », il joue avec la temporalité, le temps au fil des saisons. L’avant : Un rose assez fort (le sien), un bleu et un jaune d’or. Pas de dominante. L’après : tenter de se rapprocher des couleurs quadri de l’imprimerie, pour donner une ambiance de saisons. « C’est le mélange de la technique graphique au choix du dessin. » Mais Blexbolex ne s’arrête pas à nous offrir de superbes images, exprimant une fraise à dévorer ou un parasol le temps de l’été ; une piscine ou une rencontre au cœur du printemps ; il y a aussi une solitude, une sieste, un retard, des mots oubliés dans les livres illustrés. Le temps, c’est la vie et, même en rose, parfois une tristesse impressionne la page. Là, « Saisons » propulse une intelligence émotionnelle rare.

Mais il y a plus Le jeu, l’interactivité avec son spectateur. On ne tourne pas la page, et hop, une autre image, non. Dans la vie, c’est impossible, la mémoire nous rattrape au galop, dans le livre aussi. Tout est lié. Un personnage peut égarer sa serviette de bain que l’on retrouve quelques pages plus loin, quelques jours plus tard, lorsqu’il la cherche, c’est Un Oubli. Une kyrielle de trouvailles alimentent « Saisons », un petit chef-d’œuvre où les suites narratives, toujours drôles, rendent grâce à l’omniprésence de l’espace et du temps. « C’est une collection d’images, dit humblement Blexbolex, un outil de découverte pour l’enfant, pour lui montrer plusieurs choses. » Bien sûr, c’est mille fois plus, une intention et un propos qui lui sont offerts et tenus jusqu’au bout, lui laissant toute la place nécessaire pour l’apprécier, et le temps pour l’appréhender. Un très beau livre qui hisse la littérature jeunesse haut, très haut.

« Saisons », de Blexbolex (Albin Michel jeunesse).

« L’Imagier des gens », de Blexbolex (Albin Michel jeunesse).

Blexbolex sera présent aux rencontres :  « La BD à Bastia » (il a fait l’affiche), du 8 au 11 avril 2010, avec Elzbieta, Joëlle Jolivet, Nine Antico, Mathieu Sapin, Charles Berberian… et d’autres grands.

Sandrine Mariette

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« Twilight Fever » sur Arte

Pour avoir l’œil et l’esprit aiguisés sur la saga culte « Twilight ». Une suite éditoriale savamment pensée, pour être hissée au rang des best-sellers. Ne ratez pas cette « Twilight Fever », un documentaire de 52 mn, de Martin Uhrmeister, qui est diffusé le 25 février (la fête à Roméo), sur Arte, à 22 h 35. Tout est décortiqué : de la simple saga fantastique pour ados, écrite par l’Américaine Stephenie Meyers (cherchez ce qu’en dit Stephen King, croustillant), au nouveau phénomène  planétaire de l’édition. Jusqu’où un plan marketing, et aussi le « talent » d’un écrivain, peuvent aussi bien saisir l’air du temps ?

Ne ratez pas « Twilight Fever », le lundi 25 février, à 22 h 35, sur ARTE.

Sandrine Mariette

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« Feuille de chou (Journal d’un tournage) », de Mathieu Sapin

Par Mathieu Sapin

Pour ceux qui ont apprécié ou non le film de Joann Sfar avec pour sujet Serge Gainsbourg, « Gainsbourg (Vie héroïque) », il existe un making of original et dessiné du tournage. Pendant quatre mois, Mathieu Sapin, Mathsap pour les intimes (et personnage présent au fil des pages de son « Journal d’un tournage »), auteur-dessinateur de BD pour les néophytes, s’est faufilé partout, derrière la caméra. Les oreilles en alerte, les yeux ouverts en grand angle, Mathieu Sapin a réalisé un travail de titan sur 358 pages. Son trait diffuse une intelligence émotionnelle du premier dessin au dernier. La mise en pages défie la linéarité attendue, offre un tas d’astuces pour ne jamais écourter la réalisation graphique de son propos, la couleur harmonise le tout. Ce carnet de bord en apprend, entre autres, beaucoup sur les métaphores du film, les personnages, les effets spéciaux… Par exemple : comment Eric Elmosnino, l’acteur qui interprète Serge Gainsbourg, se fait refaire la face, plutôt le pif, une prothèse qui nécessite une demi-heure pour être fixée ? Comment La « Gueule », interprétée par avec sa silhouette de « Nosferatu » – copie parfaite de celui du film éponyme de Dreyer –, le démon intérieur qui cause avec Gainsbourg, voit par la bouche et fume par un système de tuyautage flippant ? Le mieux consiste à cesser de vous prodiguer des louanges de « Feuille de chou (Journal d’un tournage », making of remarquable. A vous de dévorer les feuilles.

Sandrine Mariette

« Feuille de chou (Journal d’un tournage) », de Mathieu Sapin (Shampooing/Delcourt).

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« Le Livre », de Hervé Thullet

Réussi

Imaginez « Le Livre » qui obéirait au doigt et à l’œil. Un livre pour les tout-petits qui n’auraient qu’à cliquer sur une bulle jaune, et hop, une deuxième surgit, souffler et la bulle jaune se transforme en bleu, qu’à secouer cette multitude rouge, jaune, bleu, et les bulles de couleur primaire penchent d’un côté de la page, grandissent et se métamorphosent. Chaque page crée la surprise, chaque couleur crée le spectacle. C’est la vie ! Et, enfin le petit lecteur a une place, une vraie, puisqu’il créé ce livre, en imaginant les bulles rouler, prendre du volume, en jouant à fabriquer un livre. Hervé Thullet poursuit son aventure dans la littérature jeunesse, avec l’esprit de Bruno Munari et de Leo Lionni (souvenez-vous de son « Petit-Bleu » et « Petit-Jaune »), et il réussit. Après « Jeu de reflets », « Jeu d’ombres »…, « Le Livre », de Hervé Tullet, parle aux enfants de 2-3 ans qui sont à  l’âge de la pensée magique… et aux adultes qui n’y ont pas renoncé.  Superbe.

Catherine Marchi & S.M.

« Le Livre », de Hervé Thullet (Bayard Jeunesse)

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Patti Smith, poète avant tout

Née le 30 décembre 1946, à Chicago, Patti Smith, s’est imposée comme l’icône d’un rock-punk-transpoétique. PJ Harvey, Sonic Youth, The Pretenders, Courtney Love, U2, Siouxsie & the Banshees, REM… se réclament d’elle. Jennifer Lesieur s’est lancé un beau défi dans une bio « Patti Smith » (Le Castor Astral) et, quelques semaines plus tard, Patti Smith publie « Just Kids » (Harper Collins Publishers), où elle livre ses premiers moments à New York avec Robert Mapplethorpe.Qui est vraiment Patti Smith ?

Nice girl

L’enfance de Patti Smith demeure une parenthèse enchantée – même si les garçons ne regardent pas trop cette fille longiligne, la tignasse en désordre, le verbe déjà percutant et les idées fantaisistes, elle s’en moque, elle croit en elle. Les paroles de Jim Morrison, Bob Dylan, Jimi Hendrix… lui font l’écho d’une homélie ; « pour moi, ce fut la naissance du rock’n’roll ». Sa famille, aussi, est subjuguée par ses lectures hétéroclites et sa singularité. Tous sont très unis, et son frère Todd, complice au grand cœur, rejoindra le groupe lors des tournées. Ses parents se saignent pour lui offrir des cours d’art. Seulement rien ne se passe à Chicago. Même son ultime expérience dans une usine pour gratter quelques dollars se conclut en un échec cuisant, qu’elle relate dans « Piss Factory » (face B de son premier 45-tours, 1974, Mer records ; face 2 de « Land 1975-2002 », Arista), voix brûlante de hargne, tranchant avec les volutes jazzy de l’interprétation. Un souvenir inhumain pour tous les travailleurs – une minute pour pisser. Patti Smith embrasse la marginalité, sa voie est tracée. « Do you like the world around you ? Are you ready to be-have ? Out of the society, they’re waiting for me. Out of the society : that’s where i want to be. », ce refrain de « Rock’n’Roll Nigger », un des meilleurs titres de son troisième album « Easter » (Arista, 1978) synthétise une grande partie de sa démarche artistique « En dehors de la société, ils m’attendent. En dehors de la société, c’est là que je veux être. » Voilà le temps de battre des ailes et des mots. A 20 ans, elle part pour New York.

Poète avant tout.

Land

« Si je n’avais pas une idée si haute de moi-même, je penserais que je suis une frimeuse qui n’arrête pas de citer des noms célèbres à tout bout de champ », dixit Patti Smith. Tant mieux car, débarquée dans la Grosse Pomme culturelle, fourmillante de talents et de performances, avec trois dollars, elle va devoir se démener comme un beau diable. Tout d’abord, Patty Smith écrit – contrairement à ce que l’on croit. Elle se veut poétesse, fille adoptive de William Blake, Edgar Poe, Allen Ginsberg…, et celui qui deviendra son mentor : William Burroughs. Obsédée par la littérature, cette dernière va fabriquer son personnage, puis consolidera sa musique et ses improvisations. Mais, le temps n’est pas encore arrivé, l’underground new-yorkais ne se laisse pas approcher si facilement. Mais l’important est de se loger, Patti Smith trouve l’appartement à Greenich Village, lieu des écrivains de la beat génération, et l’amour, Robert Mapplethorpe, jeune photographe. Tous deux veulent percer, tous deux seront des stars dans leur domaine. « J’étais pleine de toute cette énergie, et je ne savais pas où la diriger. Robert m’a vraiment disciplinée en dirigeant toutes mes manies, toute muon énergie télépathique, en art. Emotionnellement, j’étais vraiment  barrée ! », reconnaît-elle. Patti Smith s’improvise un atelier d’écrivain, juste à côté de celui de Mapplethorpe. Ils font tout pour se faire remarquer, parfois jusqu’au ridicule, heureusement, ça ne tue pas. Le jour de grâce aura lieu au Max’s Kansas City, lieu préféré d’Andy Warhol et des habitués de sa Factory, en 1969, Patti Smith est à l’affiche de « Femme fatale », avec Penny Arcade et Jackie Curtis, l’auteur de la pièce. Toute la Factory attend. Et lorsque, c’est à Patti Smith de monter sur scène, ils voient une silhouette androgyne, une chemise blanche rentrée dans un pantalon noir, des yeux de biche qui lui mangent le visage d’une douce pâleur, sous une chevelure hirsute à la Keith Richards. L’improvisation tant attendue fait rage, Patti Smith s’est rodée, elle a compris Antonin Artaud, son « Théâtre et son double », qu’elle l’applique à la lettre, transformant sa peur en un principe d’intonations, un théâtre parlé, un théâtre chanté, une transe universelle, une danse cosmique des mots. Patti Smith est lancée, tout le monde ne parle que d’elle ; Robert Mapplethorpe fait son coming out, peu importe, ils restent les meilleurs amis du monde, et la nouvelle égérie underground vit une passion folle avec Sam Shepard. En 1971, elle entre dans la cour des grands avec une lecture, un parlé-chanté soutenu à la guitare par Lenny Kaye, dont les larsens, les plaintes, les désaccords créent « un rock à trois accords marié à la puissance du verbe » (PS). Tout la salle applaudit : Allen Ginsberg, William Burroughs, Sherman Alexie, John Cage, Yoko Ono, Gérard Malanga, assistant personnel d’Andy Warhol, l’âme de la Factory… L’effet est explosif, une enchaînement d’applaudissements. En 1972, son premier recueil, « Seventh Heaven », sort en librairie, Patti Smith fait alors partie du cercle des poètes new-yorkais. Il ne manque plus qu’un groupe.

Patti Smith monte son groupe

le look

Rimbaldienne, baudelairienne…

1974, Patti Smith poursuit ses performances ; sa forme d’expression, lu-chanté, avec la guitare de Lenny Kaye pour renforcer l’intensité de ses paroles et de son jeu scénique, elle harangue les spectateurs, se contorsionne comme l’iguane, Iggy Pop, sa transe la conduisent à former un groupe. Pourquoi ne pas faire du rock à la Rimbaud, à la Baudelaire, dont elle arbore toujours son célèbre chapeau noir ?  A la lead guitare ce sera Lenny Kaye, la basse Ivan Kral, au piano Richard Sohl et à la batterie Jay Dee Daugherty, tous entourent la muse. A l’emblématique CBCB’s, lieu culte de l’underground sonique, le groupe en résidence se frotte aux classiques « Hey Joe », de Jimi Hendrix, « Gloria », des Them (Van Morrison), « My Generation », des Who, avec une fureur contagieuse ; la voix percutante de Patti Smith vomit toute la poésie qu’elle a accumulée, son aura éblouit la salle. « On se cherchait, on fracassait tout, on s’excitait mutuellement. Il n’y avait pas de règles, pas d’attentes concrètes. » (PS) avril 75, la future rock star et son groupe signent avec Arista pour sept albums. Le 10 novembre paraît « Horses », la pochette est signée Robert Mapplethorpe, le stylisme minimaliste, chemise blanche, enfin presque, costume noir, cravate flanquée derrière l’épaule à la Sinatra, encore plus androgyne et plus rimbaldienne que jamais est l’estampille de Patti Smith. Deux titres phare, la reprise de « Gloria » et « Land », où elle reprend un passage des « Garçons sauvages », de William Burroughs ; la critique est unanime, un seul mot pour définir cet ovni : magique. En France, elle reçoit le Grand Prix de l’académie Charles Gros, dont John Coltrane fut honoré avant elle. Plus tard, Patti Smith et son groupe enregistrent « Radio Ethopia », plus expérimental, agressif, il dénonce le manque de liberté d’expression aux Etats-Unis ; la presse sera bien trop académique et le jugera sévèrement, quant au public, il oscille – surtout que c’est un deuxième opus, il se questionne : « Qui est vraiment Patti Smith ? C’est une question toujours sans réponse. Patti Smith déclarera dans  la revue « Stones » : « Je crois en la totale liberté de communication, et bous ne nous laisserons pas corrompre. “Radio Ethiopia” est une symphonie d’expérience… chaque morceau est une envolée… quatorze mouvements… quatorze arrêts. Il y a du silence sur ma radio. » Les tournées s’enchaînent, les titres sur scène se prolongent, la mettent en transe, elle s’automutile; son style bouillonnant d’énergie ne doit pas faillir pour transmettre sa vision du monde à 80 000 spectateurs. Premier résultat : elle ne pèse plus que 42 kilos à la fin de chaque tournée. Résultat plus tragique : 1977, en Floride, enflammée par le son poussée à bloc, tournoyant comme un derviche tourneur, Patti Smith chute de 5 mètres. Rééducation, repos qui lui donnent conscience de sa lassitude pour les immenses stades et sa nostalgie du CBCB’s. A lors, elle écrit « Babel », un recueil sur ceux qu’elle aime, de Pasolini à Richard Sohl. Infatigable, elle sort « Easter », un an plus tard. Bruce Springsteen lui a écrit « Because the Night ». L’album triomphe, et la star revendique de plus en plus son rapprochement avec Dieu. Et, pourtant, quelque chose n’est plus là. Depuis trois ans, Patti Smith est follement amoureuse et c’est réciproque de Fred Smith, un musicien du groupe MC5. Elle le rejoint à Detroit et plante le groupe. Elle sait qu’elle reviendra pour son dernier album.

L'explosion

The rest

1978, « Wave » paraît, la couverture, à nouveau, tirée d’un cliché de Robert Mapplethorpe, révèle une star diaphane – quelqu’un qui ne veut plus en imposer, mais disparaître. Le single « Frederick » dédié à l’homme qu’elle aime, émerveille le public. A qui elle annonce indirectement sa sortie dans titre, « So You want to be (A Rock’n’Roll Star) », elle conseille d’apprendre deux-trois accords, et laisse sa place “ « Elle ne voulait pas devenir la caricature d’elle-même… Elle avait résolu la question qu’elle avait soulevée, sa question artistique, et maintenant elle passait à son nouvel art », confie Lenny Kaye, ami et guitariste du groupe. Mais l’écrivain William Burroughs conclut mieux que tous « Patti a réussi à accomplir un truc assez malin. Elle a réussi à obtenir une mort rock’n’roll sans être obligée de mourir. »

Détroit, puis la saison en enfer

Fred Sonic Smith et Patti Smith

1980, Patti Smith se marie à Fred Smith, le 1er mars 1980, sans besoin de changer nom. Ils mènent une vie de famille très simple, s’occupent assidument de leurs deux enfants : Jackson et Jesse. Patti Smith reprend l’écriture et le dessin, tout en se perfectionnant à la clarinette, Fred, lui, prépare un album « Dream of life » pour sa chérie. Presque dix ans passent, le temps du bonheur va laisser sa place pour une saison en enfer.

Mars 1989, Robert Mapplethorpe s’éteint des suites du sida, juin 1990, Richard Sohl s’éteint d’une crise cardiaque, novembre 1994, Fred Smith, son mari, s’éteint des suites d’une maladie du cœur, décembre 1994, Todd Smith, son frère, s’éteint d’une crise cardiaque. Louez ou achetez le très beau film-DVD « Patti Smith Dream of life » (Medici arts), de Steven Sebring, et écoutez les paroles de Patti Smith sur ce moment tragique. Si le cœur vous en dit, récitez-les chaque jour pendant une semaine, et la vie, la vôtre, changera.

La renaissance

Patti Smith reprend le chemin des studios. Les albums, depuis « Dream of life » s’ouvrent davantage au monde. Comme elle le chante « people have the power ». Elle n’est plus repliée sur ses préoccupations d’artiste, mais sur ses devoirs de citoyenne du monde. La pauvreté, la guerre en Irak, la mort débile de Kurt Cobain… la touchent. En 1996, elle signe « Gone Again », et « Peace and Noise », puis « Gung Ho » (en import) en l’an 2000. Quatre ans plus tard, la chanteuse est de retour avec « Trampin’», un sacré réquisitoire de l’administration Bush. « Twelve », son dernier album, reprend douze titres, parmi lesquels « Smells like Teen Spirit », de Nirvana, qui est un morceau d’anthologie). Ses concerts, le Royal Festival de Londres en 2005, sont pleins à craquer, ses apparitions bougent toutes les générations, les expositions sur son œuvre multiforme se succèdent. Cet hiver, le MOMA de New York lui rend hommage à la manière de la Fondation Cartier, à Paris, en juin 2008.

Jennifer Lesieur, auteure de la bio « Patti Smith » (Le Castor Astral) a bien fouillé son sujet, décryptant les années de jeunesse qui sont primordiales chez cette artiste aux multiples facettes. Pour les fans, prenez le temps de lire  « Please Kill Me », de Legs McNeil et Gillian McCain (Editions Allia), « Nous sommes jeunes, nous sommes fiers », de Benoît Sabatier, de lire « Babel », « Présages d’innocence » (les 2 chez Christian Bourgois, de Patti Smith, et de visionner le superbe « Patti Smith Dream of life » (Medici arts), de Steven Sebring qui a mis onze ans à le tourner et dont vous pouvez voir la bande-annonce ci-dessus.

Pour les super fans, il y a quelques jours, « Just Kids » (Harper Collins Publishers), de Patti Smith, est sorti aux Etats-Unis. Elle y relate son amour et son amitié pour Robert Mapplethorpe, et les moments culturellement forts de cette époque (fin des années 60).

Et le double album « Land 1975-2002 » (Arista), avec des titres live, studio, et des démos.

Remerciements à : Jean-Paul Mourlon (traducteur du « Livre des violences », de William T. Vollmann, Tristram) d’avoir si bien rendu, dès 1996, la facture singulière de l’écriture de Patti Smith, « La Mer de Corail », « Babel » (Christian Bourgois).

Sandrine Mariette


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Jacques Tati & Friends

Par David Merveille

Voici l’album collector, « Jacques Tati & Friends », tiré de l’exposition éponyme à la Maison de l’Image (Bruxelles), qui rassemble presqu’une centaine des meilleurs artistes-illustrateurs-graphistes du moment.

« Jacques Tati & Friends » rend hommage au cinéaste et donne la place à plus de 80 illustrateurs jeunesse ou de BD, pour nous titiller la rétine et nous faire re-découvrir, un Tati propre à chacun. Un peu comme une dissertation où il faut plancher sur le même sujet. Le plus : tous ses artistes célèbrent Tati à leur manière et, pour le lecteur, c’est un jeu passionnant de retrouver l’illustrateur, juste avec l’image ou de quel film il s’est inspiré. Il y a encore un plus, ses créateurs néerlandais, français, italiens, belges… lèguent leur goût, leur humour, leur talent, sur ce qui les a frappés, touchés, amusés, dans l’univers de Jacques Tati ; il en appert un foisonnement des cultures, et une diversité des regards sur une même thématique. David Merveille, Beatrice Alemagna, Serge Bloch, Stijn Felix, Gaëtan Dorémus… tous affichent des techniques, des sensibilités, des enjeux graphiques pertinents, parce que différents : le dessin, le collage, l’installation… Un troisième plus, l’exposition se prolongera à la galerie Jeanne Robillard (www.jeannerobillard.com), à l’automne 2010 dans la capitale. L’occasion rêvée pour s’exploser la rétine face de réapprécier chaque illustration du livre, dans sa forme originelle : l’affiche. Voilà, des jours de fête.

Sandrine Mariette

« Jacques Tati & Friends » (Rouergue). A Bruxelles, La Maison de l’Image, 19, avenue des Volontaires. Tél. : 05 65 77 73 70. www.seedfactory.be

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« Jo singe garçon », de Beatrice Alemagna

Beatrice Alemagna

Née en 1973, à Bologne, en Italie, Beatrice Alemagna toujours rêve de fabriquer ses livres. Petite, elle contemple les images de Bruno Munari (designer, photographe, artiste complet), dont l’influence plastique et sémantique s’avère capitale dans son œuvre. Elle étudie, à Urbino le graphisme et la photographie. Voici une micro bio majeure pour aborder Beatrice Alemagna, une des plus grandes illustratrices et auteures d’albums pour la jeunesse et, finalement, pour tout le monde.

« Jo singe garçon », son nouvel album, la hisse haut, très loin de ce qui paraît actuellement. Tout d’abord, il y a une histoire, pas simple du tout, qui concerne le mal-être, chez un enfant qui s’appelle Jo. « Jo était un singe garçon. » Jo bouge, grimpe, passe de lustre en lustre, un peu plus qu’un enfant hyper dynamique ; Jo se croit un singe. Et il vit très mal sa vie de singe et sa vie de petit garçon. Il rencontre un monsieur-psy pour rassurer les parents, et poser un nom à toute cette agitation, « son comportement finira par changer tout seul ». La suite vous appartient, et Jo va devoir choisir. L’illustration ne répond pas aux critères passés de relais, de description graphique de l’écrit, pas du tout. L’illustration construit au fil des pages ce qui se passe à l’intérieur de Jo. Elle œuvre, elle éclaire, mais ne révèle pas tout, une part de mystère, d’interprétation, c’est de « l’hypertexte » offert au lecteur. L’image, c’est la double page, un assemblage esthétiquement et volontairement raisonné. A vous de goûter au plaisir du dynamisme du trait, à la subtilité typographique, aux collages et montages photographiques (une petite anecdote : il y a la photo d’un personnage, toujours le même dans chaque album, lequel ou laquelle ?), aux silences chromatiques, aux points de vue qui répondent à une idée précise, à la palette qui se disputent les couleurs, d’où vibre une harmonie secrète, et à l’humanité qui tisse les pages.

« Jo singe garçon » marque une coupure dans l’œuvre de Beatrice Alemagna. De la première à la dernière page, pas un oubli, pas une répétition… que de la création, de la générosité et du courage. Regardez la vidéo, Beatrice vous dévoilera les faces cachées de « Jo singe garçon ».

Sandrine Mariette

*Video:jo singe garçon

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Le « Paris : suite 1940 », de Carlo Llop

Un récit palpitant.

Dans son nouveau roman, « Paris : suite 1940 », José Carlos Llop se livre à l’autopsie d’un personnage énigmatique, l’écrivain et journaliste César Gonzáles Ruano. Le tout se déroule, sous l’Occupation, dans un Paris aussi ambigu qu’interlope.

En 1940, correspondant de presse espagnol à Berlin, César Gonzáles Ruano débarque à Paris pour devenir « doublement inventé : par lui-même et par l’invention de ce que peut suggérer ce qu’il invente ». Sur fond d’art nègre, de pègre rastaquouère et noctambule de Montparnasse, CGR oscille dans des eaux troubles. Arrêté par la Gestapo avec sur lui un diamant, des dollars et un passeport vierge pour l’Amérique latine, l’homme qui a décidé de ne plus écrire devient objet d’écriture. José Carlos Llop, le romancier majorquin écrit avec une ardeur de détective, cherchant une réponse dans les mémoires curieusement amnésiques de l’écrivain, déchiffrant ses poèmes comme des rébus. CGR, poisson glissant entre les mailles, sorte de Monsieur Klein, de Monsieur Arkadin ou de Maurice Sachs à la moustache et la barbe ibérique d’un tableau du Greco, se cache derrière des masques à pagaille. Dandy, esthète, escroc, passeur de juifs, espion, membre d’une organisation antinazie, collabo, trafiquant de marché noir, opportuniste ? Dans une œuvre habitée, à l’ombre glauque de la rue Lauriston, José Carlos Llop convoque un monde où se côtoient les fantômes du Dr Petiot, des diplomates de Franco, des officiers nazis, un commissaire aux questions juives, des Républicains exilés, un boxeur mouchard… Une période de l’histoire où tous les possibilités sont invitées.

Valérie Labrousse

« Paris : suite 1940 », José Carlos Llop (Editions Jacqueline Chambon).

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« Le Goûter déguisé » de Lionel Koechlin

Le bon look !

Comment se déguiser le Mardi Gras et ne pas ressembler aux autres ? Voilà la préoccupation de Lolo Pâtâcrêpe et sa copine Suzette Confiture, parce que, avec deux noms aussi tranchés, pas question d’être lookés comme une crêpe. Heureusement, l’auteur-illustrateur Lionel Koechlin tombe à pic, avec son nouvel album « Le Goûter déguisé », pour leur livrer les bons conseils d’un déguisement réussi. Comment attirer les regards avec la silhouette en forme de poire et le visage en tête d’épingle ? Porter des vêtements extraordinaires, c’est-à-dire originaux. Direction : le grenier qu’ils vident… Fripes, accessoires, le loir, un, de leur copain, tout est passé en revue. Un capharnaüm surréaliste, à leur image fantaisiste. Les couleurs s’éparpillent, se rapprochent, s’accordent, les motifs à géométrie variable projettent des effets farfelus, la  puissance ludique du déguisement prend tout son sens comique, c’est une aventure clownesque. Lionel Koechlin dessine malicieusement, écrit tout autant, les enfants s’amusent de cette multitude d’objets, d’idées. De l’ironie percutante à la Jacques Tati, d’ailleurs ses personnages lui ressemblent, de la joie à chaque page, « Le Goûter déguisé » s’avère un Mardi Gras quotidien, et un album intelligemment décalé.

Sandrine Mariette

« Le Goûter déguisé », de Lionel Koechlin (Giboulées Gallimard, dès 5 ans).

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