sandrine mariette

~ Factory

Avant et après l’apartheid

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Ce n’est pas un hasard s’il revient à Sam Leroux, universitaire new-yorkais, d’écrire la biographie de Clare Wald, géante des lettres sud-africaines, blanche et progressiste depuis toujours. Dès leur premier entretien, dans son bunker de luxe ultra-sécurisé du Cap, Clare Wald taquine ouvertement Sam, « Je n’aime pas votre allure », « J’espère que vous ne pensez pas que nous allons devenir amis », elle feint de ne pas le reconnaître, et refuse catégoriquement d’évoquer sa fille Laura, engagée dans la lutte armée contre l’apartheid, dont elle est sans nouvelles depuis 1989. Mais, à laquelle, elle adresse des lettres imaginaires bouleversantes et note à propos de Sam : « Le trouver, soudain face à moi, c’était comme d’être confrontée à mon assassin. » Sam est-il juste un passionné de l’œuvre de Clare Wald ? Quant à elle, comment a-t-elle pu écrire sous les conditions répressives de l’ancien gouvernement, sous la censure, sans risquer sa vie ou celle de sa famille, alors que tant d’autres ont été persécutés ou se sont exilés ? Sous couvert d’une bio, Patrick Flanery convoque toute la complexité de l’histoire de l’Afrique du Sud avant et après l’apartheid. Construit comme une boule à miroir, « Absolution » réfléchit les différentes versions (le récit de Sam, les fictions de Clare, les carnets de Laura…) d’événements identiques, créant ainsi une soif inextinguible de vérité chez le lecteur, pris dans une atmosphère suspicieuse qui oscille entre tension dramatique et thriller. Virtuose !

Sandrine Mariette

« Absolution », de Patrick Flanery, traduit de l’anglais par Michel Marny (Robert Laffont, 451 p.).

Posted in Littérature générale by Sandrine Mariette on février 18th, 2014 at 16:05.

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